mercredi 26 septembre 2012

Bombe à retardement



Traitements contre la stérilité, une bombe à retardement


D’après une nouvelle étude de chercheurs français, les enfants nés de femmes ayant pris, afin de tomber enceinte, un médicament prescrit en cas de stérilité risquent deux fois plus  que les autres de développer une leucémie.

En effet, les scientifiques du Centre de recherche de l’Inserm en épidémiologie et santé des populations, basé àVillejuif, ont étudié près de 2 500 enfants, dont 764 souffraient de leucémie aiguë, et se sont penchés sur les antécédents obstétricaux des mères. Ils ont découvert que chez les femmes ayant pris un médicament pour stimuler les ovaires, le risque que leur enfant soit atteint de leucémie aiguë lymphoblastique (LAL), la forme de leucémie la plus fréquente chez l’enfant, était 2,6 fois plus élevé. Ces enfants risquaient également de souffrir 2,3 fois plus d’une forme plus rare de leucémie, la leucémie aiguë myéloïde (LAM).

Présentées à Londres lors du Childhood Cancer 2012, ces découvertes montrent pour la première fois une relation spécifique entre l’utilisation de médicaments contre la stérilité et la leucémie chez l’enfant.
« De précédentes études suggéraient un rapport entre les traitements contre la stérilité et la leucémie aiguë de l’enfant, mais elles étaient peu nombreuses, le plus souvent trop petites, et axées sur la fécondation in vitro (FIV) ou l’hormonothérapie », a déclaré le Dr Jérémie Rudant, directeur des recherches. « Notre étude était bien plus importante et c’est la première fois qu’on découvre un risque spécifique accru lié au traitement contre la stérilité. »

Étonnamment, l’étude n’a trouvé aucun risque accru de leucémie chez les enfants nés de mère traitées par FIV, même si la plupart avaient également reçu un médicament pour stimuler les ovaires, ni chez celles ayant procréé par insémination artificielle.

L’étude a également révélé que chez les enfants de parents ayant du mal à concevoir naturellement, qui avaient besoin d’au moins un an pour y parvenir, le risque de développer une leucémie aiguë lymphoblastique était supérieur de 50 % par rapport aux enfants de couples féconds. Cela suggère que la stérilité elle-même, ou ses causes sous-jacentes, pourraient jouer un rôle dans la survenue d’une leucémie de l’enfant.

Si ces résultats sont loin d’être concluants, et doivent encore être publiés, ils ajoutent du grain à moudre aux inquiétudes croissantes sur l’utilisation des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP), le terme qui décrit les différentes méthodes artificielles disponibles pour aider à la procréation comme, par exemple, la FIV. L’AMP étant utilisée depuis plus de 30 ans, avec pour résultat la naissance de plus de quatre millions de bébés, les risques à long terme, pour la mère comme pour l’enfant, deviennent mieux connus.

Le cancer de l’enfant n’est que l’un des risques associés, les autres étant entre autres le cancer du sein ou de l’utérus chez la mère, des malformations congénitales, des naissances multiples et une infirmité motrice cérébrale.

La connexion avec le cancer

Les médicaments qui aident à la procréation, souvent utilisés lors d’une FIV, ne sont pas uniquement associés au cancer chez l’enfant mais également à celui des femmes ayant pris ces produits. D’après plusieurs études, ces derniers, qui agissent en augmentant le niveau de certaines  hormones dans le corps, stimulent peut-être également le risque d’un cancer hormono-dépendant comme celui du sein et de l’utérus.

Le clomifène (Clomid®), en particulier, a été associé à certains cancers hormonaux chez la femme. Dans une étude du National Cancer Institute (NCI) portant sur plus de 12 000 femmes, le clomifène s’est trouvé impliqué dans un risque significativement supérieur de cancer du sein invasif (Human Reproduction, 2004 ; 19 : 2005–2013). Une autre étude de cette agence américaine, qui impliquait environ 8 000 femmes, a révélé que celles qui prenaient du clomifène étaient plus susceptibles de développer un cancer de l’utérus.  En fait, plus la dose est forte et plus le risque serait grand (American Journal of Epidemiology, 2005 ; 161 : 607–615).

Selon des études antérieures, l’utilisation de médicaments pour stimuler l’ovulation pourrait augmenter le risque de cancer de l’ovaire. Il apparaît désormais que la plupart des données ne vont pas dans le sens d’un lien de causalité (Current Drug Safety, 2011 ; 6 : 250–258). D’après une étude, le risque de cancer de l’ovaire invasif ne concernait que les femmes qui n’étaient pas parvenues à tomber enceintes malgré un traitement contre la stérilité (Current Opinion in Obstetrics and Gynecology, 2008 ; 20 : 313–319), ce qui, là encore, laisse envisager que la stérilité soit, en soi, un facteur dans le développement du cancer de l’ovaire.

Mais, à nouveau, personne n’en est certain et les preuves contradictoires  ne manquent pas.  Une autre question qui subsiste, c’est de savoir si les médicaments contre la stérilité provoquent la survenue de tumeurs de l’ovaire pouvant être cancéreuses  — des tumeurs dont il est peu probable qu’elles se disséminent, mais qui font habituellement l’objet d’une ablation chirurgicale (Seminars in Reproductive Medicine, 2012 ; 30 : 131–145). 

Les autres risques de l’assistance médicale à la procréation (AMP)

Parmi les autres risques majeurs avec la prise d’un traitement contre la stérilité il y a, outre le cancer, celui de malformations congénitales du nouveau-né. D’après un rapport américain  de 2009 desCenters for Disease Control and Prevention[Centres pour le contrôle et la prévention des maladies], les bébés conçus par AMP sont deux à quatre fois plus susceptibles de naître avec une malformation que ceux conçus naturellement. Chez les grossesses aboutissant à la naissance d’un seul enfant, l’AMP a été associée à un doublement du risque de malformation cardiaque et plus encore de bec-de-lièvre avec ou sans division du voile du palais. En outre, le risque de malformation œsophagienne ou ano-rectale est quatre fois plus grand (Human Reproduction, 2009 ; 24 : 360–366).

Plus récemment, une étude australienne de l’université d’Adélaïde (l’étude de ce type la plus exhaustive au monde) a comparé le risque de naître avec une anomalie congénitale sévère avec chacune des méthodes d’aide à la procréation les plus courantes à l’échelle internationale, notamment la FIV et l’injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI) qui consiste à injecter directement un spermatozoïde dans un ovule. Le risque d’une anomalie congénitale est de 8,3 % avec l’AMP contre 5,8 % en cas de grossesse naturelle. Il existe toutefois des différences significatives de risque en fonction des techniques employées.

Pour une FIV, le risque serait de 7,2 % tandis qu’il serait de 9,9 % avec l’ICSI. Néanmoins, il est intéressant  de constater que lorsque les chercheurs ont tenu compte des facteurs parentaux pouvant affecter les résultats, la relation entre la FIV et une éventuelle anomalie congénitale avait perdu toute valeur significative alors que c’était toujours le cas en cas d’ICSI. Le traitement en lui-même pourrait donc être la cause de graves anomalies.

En outre, les chercheurs ont découvert que chez les femmes ayant pris du clomifène afin de procréer sans un bon suivi médical, le risque  d’accoucher d’un enfant souffrant d’une anomalie congénitale était trois fois plus grand (The New England Journal of Medicine, 2012 ; 366 : 1803–1813).

Le risque le plus important avec l’AMP demeure toutefois celui  de naissances multiples, ce qui augmente la probabilité de mortalité intra-utérine, d’enfant mort-né et de handicap à la naissance. D’après la Human Fertilisation and Embryology Authority qui encadre au Royaume-Uni l’AMP, en moyenne, une grossesse sur quatre par FIV aboutit à la naissance de plusieurs enfants, contre une sur 80 en cas de conception naturelle.

Les prématurés sont en outre plus nombreux tout comme les nouveaux-nés en sous-poids (European Journal of Obstetrics & Gynecology and Reproductive Biology, 2009; 146: 138–48). C’est source de nombreux problèmes de santé comme, par exemple, une altération de la vue ou une infirmité motrice cérébrale, cette malformation étant deux fois plus fréquente en cas de FIV (Archives of Pediatrics  & Adolescent Medicine, 2009 ; 163 : 72–83).

Chez la mère, il existe outre un risque de cancer, celui d’une grossesse extra-utérine ou d’un syndrome d’hyperstimulation ovarienne (SHO), une complication potentiellement dangereuse en cas de traitement contre la stérilité. Jusqu’à une femme sur 10 prenant ce type de médicament risque de souffrir de SHO.

Les alternatives à la PMA

Bien évidemment, pour une femme qui désespère d’avoir un enfant, les risques avérés et possibles associés à un traitement contre la stérilité  semblent acceptables. Il faudrait pourtant y réfléchir à deux fois en tenant compte des chances de succès qui ne sont que de 25 % en cas de FIV ou de ICSI, et moins encore avec les autres méthodes d’AMP.

De plus, l’AMP n’est pas l’unique option pour les couples qui veulent coûte que coûte un enfant. Il existe plusieurs méthodes naturelles  ayant fait leurs preuves pour stimuler la fécondité et les chances d’une grossesse. Une association britannique pour la promotion des soins préconceptuels a ainsi mis au point un programme naturel bien documenté visant à promouvoir la fécondité naturelle avec un taux de succès de 75 %.
  • Mangez équilibré. Pour un niveau optimal des hormones qui améliorent la fécondité, privilégiez tous les aliments complets en mettant l’accent sur les protéines de qualité sans oublier de faire le plein de fruits et de légumes frais. Ne buvez que de l’eau filtrée ou en bouteille de verre.
  • Faites attention à votre poids. Le fait d’être un surpoids ou maigre peut contribuer à un problème de stérilité (Fertility and Sterility, 1988 ; 50 : 721–726).
  • Arrêtez de fumer. D’après une étude britannique sur plus de 17 000 femmes, plus une femme fume de cigarettes et moins elle est susceptible de concevoir (British Medical Journal [Clinical Research Ed.], 1985 ; 290 : 1697–1700). Le tabac a également un effet négatif sur la fertilité masculine  (Acta Médica Portuguesa, 2009 ; 22 : 753–758).
  • Évitez l’alcool. Même une consommation modérée d’alcool (cinq verres ou moins par semaine) peut contribuer à la stérilité d’une femme (British Medical Journal, 1998 ; 317 : 505–510). De plus, le risque d’endométriose, une cause fréquente de stérilité, est environ supérieur de 50 % chez les femmes qui boivent, quelle que soit leur consommation, par rapport à celles qui ne boivent jamais (American Journal of Public Health, 1994 ; 84 : 1429–1432). Chez les hommes, la consommation d’alcool nuit à la concentration des spermatozoïdes et à leur mobilité, à savoir leur capacité à se diriger vers l’ovule (Fertility and Sterility, 2012 ; 97 : 53–59).
  • Limitez la caféine. Sur 104 femmes en bonne santé voulant un bébé, celles qui buvaient une tasse de café par jour ou plus avaient deux fois moins de chances de tomber enceinte, par cycle menstruel, par rapport aux femmes qui en consommaient moins (Lancet, 1988 ; 2 : 1453–1456). En effet, plus la prise de caféine est importante, quelle que soit sa source (thé, boissons à base de cola, barres chocolatées), et moins les chances de tomber enceinte sont grandes (Reproductive Toxicology, 1998 ; 12 : 289–295).
  • Recherchez d’éventuelles allergies. Les allergies alimentaires comme l’intolérance au gluten (maladie cœliaque) peuvent jouer un rôle dans la stérilité (The Journal of Reproductive Medicine, 2010 ; 55 : 3–8). Une femme souffrant de stérilité et d’intolérance au gluten a ainsi pu concevoir huit moins après avoir cessé de consommer des produits à base de gluten. Les chercheurs en ont conclu qu’il faudrait « rechercher une maladie cœliaque chez les femmes stériles dont on ne comprend pas la cause et qui souffrent d’anémie, car une modification de leur régime alimentaire peut résoudre leur problème de stérilité » (Fertility and Sterility, 2010 ; 94 : 2771).
  • Recherchez d’éventuelles carences nutritionnelles. Une étude du Dr Stephen Davies, du Biolab Medical Unit à Londres, a montré qu’une carence en magnésium est associée à la stérilité féminine, à une augmentation du nombre de fausses-couches ainsi que de l’incidence des prématurés et des bébés en sous-poids. Après avoir donné durant quatre mois du magnésium à six femmes qui en manquaient et souffraient de stérilité, elles sont toutes tombées enceintes dans les huit mois qui ont suivi et ont accouché de bébés en parfaite santé. Chez six autres femmes dont la stérilité était inexpliquée et qui demeuraient carencées en magnésium au bout de quatre mois de traitement, une cure supplémentaire de deux mois de magnésium ainsi que de sélénium leur a permis de concevoir dans les huit mois qui ont suivi et de donner naissance à des bébés en bonne santé, leur taux de magnésium étant devenu normal (Magnesium Research, 1994 ; 7 : 49–57). Chez les hommes, une carence en zinc serait associe à une mauvaise qualité des spermatozoïdes et à la stérilité (Nutrition  Research, 2009 ; 29 : 82–88).
  • Faites dépister d’éventuelles infections. Les infections gynécologiques sont une cause majeure de stérilité (Enfermedades Infecciosas y Microbiología Clínica, 2001 ; 19 : 261–266). Les infections à Chlamydia trachomatis sont les plus fréquentes et leur incidence a augmenté ces 10 dernières années. Non traitées, elles sont responsables d’un grand nombre de salpingites (l’inflammation des trompes de Fallope), de grossesses extra-utérines et de stérilité (Clinical Microbioly and Infection, 2009 ; 15 : 4–10).
  • Évitez le stress. Les couples stériles ont tendance à être plus stressés que les couples féconds, ce qui suggère un effet négatif du stress sur la reproduction (International Journal of Fertility and Sterility, 1986 ; 31 : 153–159). Cela pourrait expliquer pourquoi les techniques de relaxation comme la méditation et le yoga se sont avérées bénéfiques (Fertility and Sterility, 2003 ; 80 suppl. 4 : 46–51).
  • Limitez l’exposition aux produits toxiques. De plus en plus de preuves laissent penser que la stérilité pourrait être due à des produits chimiques habituellement présents dans l’environnement, comme les pesticides et les produits à base de plastique.

Des pilules pleines de promesses

  • Propolis. Dans une étude portant sur des femmes soufrant de stérilité et d’une forme légère d’endométriose, une supplémentation en propolis d’abeille (500 mg deux fois par jour pendant neuf mois) a abouti à un  taux de grossesse de 60 % alors qu’il n’était que de 20 % chez celles ayant reçu un placebo (Fertility and Sterility, 2003 ; 80 suppl. 3 : 32).
  • Vitamine C. La vitamine C  pourrait être bénéfique aux femmes en insuffisance lutéale, une anomalie hormonale qui aboutit souvent à un problème de stérilité. Chez des femmes qui en souffraient, la prise de 750 mg/jour de vitamine C durant six mois a abouti à un taux de grossesse de 25 % alors qu’il n’était que de 11 % chez celles non supplémentées (Fertility and Sterility, 2003 ; 80 : 459–461).
  • Multivitamines. Lors d’un essai clinique, la prise d’un simple complément multivitaminique a permis d’améliorer la fécondité féminine. Comparé au groupe placebo, celles qui prenait la supplémentation multivitaminique ont mis 5 % moins de temps à concevoir (International Journal for Vitamin and Nutrition Research, 1996 ; 66 : 55–58).
  • L-Arginine. Cet acide aminé (16 g/jour) améliorerait le taux de fécondation chez les femmes ayant échoué à tomber enceinte avec la FIV (Human Reproduction, 1999 ; 14 : 1690–1697). Il améliorerait également le nombre de spermatozoïdes et leur mobilité, ce qui est également le cas avec la carnitine, le zinc, le sélénium et la vitamine B12 (Alternative Medicine Review,2000 ; 5 : 28–38).
  • Agnus castus. Dans un essai clinique, un plus grand nombre de femmes stériles sont tombées enceintes après avoir pris un produit à base de cette plante (30 gouttes deux fois par jour pendant trois mois) par rapport à celles qui prenaient un placebo (Forsch Komplementärmed, 1998 ; 5 : 272–278).
Enfin, il ne faut pas oublier qu’il existe toujours la possibilité d’adopter un enfant ou de créer un foyer d’accueil. Ce ne sont pas les bébés et les enfants, étrangers ou non, en quête d’amour qui manquent.

Joanna Evans
Traduit par Catherine Sobecki

Traduit, adapté et publié par Santé & Nutritionavec l'autorisation de What Doctors Don’t Tell You, vol. 23.3, juin 2012

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